L’agilité émotionnelle, ou comment développer notre 6ème sens

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Durant cette récente période de covid-19, le monde a été uni par un mal commun : la perte d’équilibre de nos émotions. Quels que soient les sentiments que vous avez ressentis pendant cette période, et que vous ressentez peut-être encore aujourd’hui, à savoir la peur, l’anxiété, la solitude, la colère, la tristesse, la frustration, vous n’êtes pas seul(e). Et surtout, ressentir de telles émotions est normal, c’est ce qui fait la beauté et la fragilité de la vie : tout n’est pas rose.

Au cours des 20 dernières années, nous avons vu l’émergence et surtout l’importance que la psychologie positive a pris dans notre mode de vie. Être heureux, être positif est devenu notre mantra. Nous jugeons la joie, la positivité comme les seules émotions que nous devons ressentir, et nous ne sommes plus à l’aise avec nos émotions « négatives ».

Martin Seligman est un chercheur en psychologie et un des pionniers de la psychologie positive dans les années 1990. Cependant, ce terme a été inventé bien plus tôt par Abraham Maslow, et sa célèbre explication de la motivation par la hiérarchie des besoins représentée par sa Hiérarchie des besoins (de Maslow).

M. Seligman, comme d’autres psychologues de renom tels que Ed Diener et Mihaly Csiskzenmihalyi, ont approfondi l’étude des émotions positives dans une perspective scientifique et rigoureuse, en vérifiant quels processus, dynamiques et situations peuvent avoir un impact plus important sur notre santé, nos performances et notre satisfaction générale dans la vie.

S’il est effectivement important de cultiver l’optimisme et que les résultats concluants de décennies de recherche en psychologie positive ne sont plus à démontrer, il est extrêmement important de ne pas ignorer, supprimer ou mettre de côté nos émotions difficiles ou négatives. C’est là que l’agilité émotionnelle prend tout son sens.

L’agilité émotionnelle est la capacité à traverser les nombreuses difficultés que la vie nous lance, sans jugement et avec acceptation, prévoyance et ouverture d’esprit. Ce processus ne consiste pas à ignorer les émotions ou les pensées difficiles, mais à les vivre et à les affronter avec courage et compassion pour soi-même.

Nous devons la popularité de ce terme à la psychologue Susan David, professeur à la Harvard Medical School, qui a développé ce concept après avoir étudié les émotions, le bonheur et la réussite pendant plus de vingt ans.

Elle a découvert qu’indépendamment de l’intelligence ou de la créativité des gens, quel que soit leur type de personnalité, c’est la façon dont ils gèrent leur moi intérieur – leurs pensées, leurs sentiments, leurs émotions et leur dialogue interne – qui détermine en fin de compte leur réussite dans leur vie professionnelle et privée.

Les recherches montrent qu’en utilisant notre énergie pour tenter de supprimer ou même d’ignorer les émotions négatives, telles que la peur, l’anxiété, le doute, la colère, nous restons bloqués dans la situation à l’origine de ces émotions, et les pensées négatives tournent en boucle dans notre tête.

En pratiquant l’agilité émotionnelle, en accueillant ces pensées négatives avec gentillesse, nous pouvons récolter de grands bénéfices, tels que : la réduction du stress, la réduction du nombre d’erreurs, l’augmentation de la créativité, l’amélioration des performances.

Dans un article de Harvard Business Review, Susan David et Christina Congleton ont identifié quatre pratiques qui peuvent nous aider à devenir plus agiles émotionnellement :

Soyez conscient de l’émotion

Premièrement, il est important d’être conscient du moment où ces émotions et pensées se bouclent dans notre tête. Pour cela, l’une des meilleures techniques est de pratiquer la pleine conscience, d’être ou de revenir au moment présent. Être conscient nous permet de réaliser que cela fait 5 minutes que nous avons la même pensée qui nous empêche d’avancer. Cette pensée – généralement récurrente – peut être : Je ne suis pas légitime dans mon rôle, ou mon manager est incompétent et je refuse de le laisser me parler sur un ton aussi irrespectueux.

Donnez un nom à cette émotion

Une fois que vous êtes conscient de cette pensée, étiquetez-la, nommez-la. Par exemple, si votre pensée est que vous ne vous sentez pas légitime dans votre rôle, nommez cette pensée comme : J’ai la pensée ou la croyance que je ne suis pas légitime dans mon rôle. En nommant votre pensée de cette façon, vous pouvez voir cette pensée ou cette émotion comme ce qu’elle est, à savoir une pensée qui ne fait que passer dans votre cerveau, et qui peut être utile ou non.

Accepter cette émotion

Pas facile à faire, je suis d’accord, mais cette étape est essentielle pour développer cette agilité émotionnelle indispensable à votre équilibre. L’acceptation est l’opposé du contrôle, et souvent les émotions prennent le contrôle de notre vie. Cela signifie qu’au lieu de réagir avec colère lorsque votre manager vous parle sur un ton qui ne vous plaît pas, concentrez-vous sur le sentiment que l’émotion génère au plus profond de vous, avec une attitude ouverte de curiosité. Cela ne diminuera pas votre colère, mais vous réaliserez peut-être à quel point cette émotion de colère vous secoue, et surtout pourquoi vous la ressentez si fortement. C’est la première étape pour trouver une solution.

Reconnectez-vous à vos valeurs

Une fois que cette émotion est nommée et acceptée, il est plus facile de s’en séparer. Lorsque vous êtes en colère, vous n’êtes pas la colère. En d’autres termes, la colère n’est pas vous, elle ne vous définit pas. Une fois que vous êtes libéré de cette émotion « négative », vous pouvez vous concentrer sur ce qui est important dans votre vie, à savoir vos valeurs. Les émotions fluctuent, elles changent comme la météo, contrairement à vos valeurs qui restent stables et vous définissent. Si les émotions sont importantes dans notre vie, elles ne doivent pas influencer nos décisions, seules nos valeurs doivent guider nos décisions.

Cette rencontre avec nos émotions, nos pensées, qu’elles soient négatives ou même positives, reste fondamentale pour nous aider à être plus agiles émotionnellement. Katherine T. Peil, affiliée à la Northeastern University et à la Harvard Divinity School, va encore plus loin dans son article sur l’émotion : The Self-Regulatory Sense », dans lequel elle décrit les émotions comme un système sensoriel à part entière. Pour elle, les émotions ne sont pas une affliction ou une faiblesse, ni un aspect gênant de notre psyché qui nous fait dire ou faire des choses que nous regrettons ensuite, mais plutôt un système sensoriel, comme la vue, le toucher, l’ouïe, qui nous fournit un flux continu d’informations pertinentes qui nous aide à orienter notre comportement.

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Delphine Caprez