Stress, Risques Psycho-Sociaux (RPS): et si, jusqu’à présent, on avait pris le problème par le mauvais bout ?

Psychosocial Risks

Longtemps réduits à la simple notion de stress, les risques psychosociaux au travail sont devenus un enjeu majeur de santé et bien-être au travail, auxquelles les organisations essaient de faire face malheureusement le plus souvent de manière maladroite. Car les effets des troubles de la santé mentale dans le monde du travail n’ont jamais été aussi élevés ni plus visibles. Le dernier rapport de l’OMS (2019) démontre que l’économie mondiale perd en moyenne chaque année US$1 trillion (1 milliard de milliards soit 1 000 000 000 000$) en raison de perte de productivité due à la dépression ou l’anxiété. Mais alors, que font les organisations ?

Certes me direz-vous, toutes les entreprises n’ont pas la capacité interne d’identifier avec succès les risques psycho-sociaux. Mais est-ce vraiment une question de ressources ? Ou les méthodologies et les outils d’analyse recommandés ne sont-ils tout simplement pas adéquats pour répondre aux besoins des petites, moyennes et grandes structures ? Mais ne nous égarons pas et commençons par le commencement, à savoir, c’est quoi les RPS ?

Les risques psycho-sociaux singulier ou pluriel ?

Le risque psychosocial se définit, selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, comme le risque de nuire au bien-être psychologique ou physique d’un travailleur découlant de l’interaction entre la conception et la gestion du travail dans un contexte organisationnel et social. De plus, ces risques sont jugés comme étant bien plus complexes et plus difficiles à gérer que les risques traditionnels pour la santé (hygiène industrielle, ergonomie) et la sécurité au travail. En effet, même auprès des organismes spécialisés sur le sujet, que ce soit l’OMS, l’Organisation Internationale du travail (OIT) ou encore l’Agence européenne pour la santé et la sécurité, l’identification ou la définition des risques diffèrent déjà, et c’est sans parler des stratégies pour les réduire.

Après moultes recherches, voici une liste des facteurs de risques psychosociaux, qui découlent d’une mauvaise conception, organisation ou gestion du travail et d’un contexte socioprofessionnel défavorable. De plus, nous avons également listé de nouveaux exemples qui ont vu le jour avec l’arrivée de la pandémie COVID-19.

J’ouvre ici une parenthèse pour mentionner ce guide que l’OIT a publié en été 2020 pour aider les employeurs à mettre en place des mesures préventives pour protéger la santé et le bien-être des collaborateurs dans le contexte de la pandémie.
A cette liste, nous avons jugé utile d’ajouter les principales conséquences d’ordre psychologiques qui auront un impact, direct et indirects, sur vos coûts. Nous avons volontairement omis les conséquences physiques telles que troubles musculosquelettiques, maladies cardiovasculaires, diabètes, etc. qui peuvent également découler des risques psycho-sociaux mais qui ne sont pas le sujet de cet article.

 

Comment réduire ces risques et diminuer les conséquences sur la santé mentale de vos collaborateurs ?

Quand on voit la longueur de la liste des risques, qui a pratiquement doublé depuis l’arrivée de COVID-19, je comprends que certain(e)s responsables RH soient en train d’hyperventiler. Néanmoins, il est bon de rappeler – et pas seulement pour des raisons liées à la santé des responsables RH – qu’il n’incombe pas aux entreprises de pallier à tous les risques psycho-sociaux, mais aux principaux, ou du moins à ceux qui font le plus de sens dans votre organisation.

Il existe, comme pour beaucoup d’interventions liées à la santé et le bien-être au travail, des prérequis indispensables au succès de la mise en œuvre d’une stratégie de réduction des risques psycho-sociaux :

  1. L’engagement visible et personnel des membres de votre comité de direction et de vos leaders
  2. La participation volontaire des employés lors de l’analyse des risques
  3. Une communication fluide et la consultation régulière entre direction et employés
  4. Des valeurs de votre organisation alignées avec le bien-être de vos collaborateurs

Voici plusieurs étapes qui vous permettront de réduire ces risques, dont la première que je vais appeler Etape Clé. Si vous ne voulez pas passer par cette étape, ne vous lancez même pas !

Etape CLE : Effectuer une analyse des risques, avec le bon outil

Cette étape est primordiale à la bonne compréhension de la situation, et un bon Health Risk Assessment (HRA) est indispensable pour une analyse holistique de vos risques santé, y compris les risques psycho-sociaux. Vous aurez compris que je suis moi-même partisane de ce genre d’outils, qui sont validés de manière scientifique, confidentiels, anonymes, 100% en ligne, permettant une totale automatisation de la collection d’information comme de la restitution de résultats, faciles d’utilisation et qui demandent très peu de ressources.

En effet, le HRA se distingue des outils classiques d’analyse des risques sécurité qui sont couramment utilisés en entreprise, et sont basés sur un paradigme de gestion des risques. Ce type d’outils a fait ses preuves dans le passé, et est encore fortement promu aujourd’hui par des instituts renommés comme l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) en France qui utilise l’outil RPS-DU, ou l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) qui utilise l’outil ESENER. Néanmoins, depuis plusieurs années, les tentatives de rendre ces outils compatibles avec une analyse de risques santé ou psycho-sociaux n’ont pas vraiment été couronnés de succès. Car ils sont très souvent compliqués, lourds à utiliser, ils prennent énormément de temps à mettre en place et nécessitent la présence d’experts.

Vous l’aurez compris, dans notre monde d’aujourd’hui, qui plus est après la pandémie COVID-19, il nous faut trouver des outils plus agiles, facile à utiliser à distance, automatisés, et bien plus réactifs. En effet, l’utilisation d’un HRA en ligne vous permettra de collecter de manière anonyme et extrêmement rapide, les informations suivantes, primordiales pour une compréhension de vos risques psycho-sociaux:

  • Facteurs de stress au travail (manque d’autonomie, manque de reconnaissance)
  • Facteurs de satisfactions au travail (effort et demande)
  • Modificateurs organisationnels dont le respect, l’équité, le support de son manager
  • Sommeil et fatigue
  • Dépression
  • Raison du stress : lié à la vie professionnelle, à la vie privée, à une nature anxieuse?
  • Et le HRA mesure également – toujours de manière confidentielle et totalement anonyme – tous les aspects de santé liés à la nutrition, l’activité physique ou la sédentarité, la consommation d’alcool ou de tabac, le poids, le statut familial, les données biométriques (cholestérol, pression artérielle), les risques de maladies chroniques et le diabète, les restrictions relatives au travail, etc.

Si vous êtes intéressé(e) à tester gratuitement notre HRA appelé GPS Santé, vous trouverez plus d’information ici et pourrez tester la chose par et pour vous-même.

Etape 1 : Développer une culture/un environnement propice à la santé et au bien-être

Le HRA utilisé lors de l’étape clé vous aura permis d’identifier vos besoins : c’est en quelque sorte le diagnostic du sol sur lequel vous voulez construire votre maison.

Il s’agit maintenant de construire vos fondations. Elles doivent être en lien direct avec la santé et le bien-être de vos collaborateurs. Voici une liste non-exhaustive des initiatives de base qui auront un impact sur les risques psycho-sociaux de votre organisation :

  • Règlement : sur les heures supplémentaires, sur les vacances, sur le mobbing/harcèlement, éthique et conformité, code de conduite, etc.
  • Formations : 1er secours en santé mentale, addictions, sommeil et fatigue, résilience, gestion du stress et du changement, risques psycho-sociaux, prévention du suicide spécialement dans les entreprises à haut risques
  • Ressources : Personne de confiance, médiateur interne, infirmier(e) en santé au travail, Programme d’Assistance aux Employés
  • Coaching/Mentoring

Si vous cherchez de l’inspiration sur comment mettre sur pied une stratégie santé et bien-être pour impacter ‘sainement’ votre culture d’entreprise,  lisez ici notre modèle en 10 étapes.

Etape 2 : Encourager le dialogue et être à l’écoute de ses employés

Comme dans une approche d’analyse de risques classique, l’élément discussion, interviews, feedback et autre sondage d’opinion des employés est important pour comprendre où sont les points d’amélioration et pouvoir ensuite mieux y répondre.

Etape 3 : Former et coacher les leaders

Plusieurs études montrent un lien direct entre les compétences, comportements et pratiques du manager et la santé mentale de leurs subordonnés. Aussi, dans le but d’assurer la santé mentale des membres de son équipe, un leader doit être formé pour adopter des comportements de détection et de traitement de ces risques psycho-sociaux, et avoir des pratiques de management favorables à la santé et au bien-être au travail. De telles formations doivent aussi bien toucher les compétences, les comportements que les pratiques (respect, confiance, communication, gestion de conflit, accessibilité, empathie, courage). Elles doivent aussi inclure pour chacun d’eux, la gestion individuelle de leur stress et de leurs émotions, ainsi que la sensibilisation aux RPS.

Ces étapes 2 et 3 constituent la base de toute stratégie de santé au travail.

Où commence et ou s’arrête la responsabilité de l’employeur ?

J’entends presque depuis ici ceux qui se demandent si c’est vraiment de leur responsabilité en tant qu’employeur de trouver des solutions à la santé psychique de ses collaborateurs ? Et bien oui, il est du devoir de l’employeur de trouver des solutions pour le bien-être physique et psychique de ses employés. Toujours selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, aider à gérer le stress c’est non seulement une obligation morale et un bon investissement pour les employeurs; mais c’est aussi une obligation légale fixée dans la directive-cadre 89/391/CEE.

Et encore, je ne vous ai pas parlé des coûts que ces risques engendrent. Si vous doutiez encore de l’importance d’agir en amont sur la prévention des risques psycho-sociaux, ces informations vont sûrement vous convaincre.

Et combien ça coûte tout ça ?

Il existe plusieurs lignes directrices destinées à aider les organisations à mieux comprendre le coût financier estimé des risques psycho-sociaux et du stress au travail.

Voici celle de Ravi Tangri, expert canadien en stratégie et leadership, et auteur du livre ‘Stress Costs, Stress Cures’. Sa formule qui intègre six éléments est l’une de celles présentées par l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail :

19% du coûts d’absentéisme
40% du coût de la rotation du personnel
55% du coût des programmes d’assistance aux employés (PAE)
30% du coût d’invalidité temporaire et long terme
60% du coût total des accidents de travail
100% des coûts des demandes d’indemnisation des travailleurs et des procédures judiciaires liées au stress

J’ai utilisé cette formule pour calculer les coûts annuels liés au stress et aux risques psychosociaux d’un de mes clients. Voici ce que cela donne pour une entreprise basée en Suisse d’environ 3000 collaborateurs a priori plutôt positionnée favorablement : taux d’absentéisme dans la moyenne (4%), un taux de rotation du personnel en dessous de la moyenne (3%), un PAE classique de moins de CHF40/employé, coûts d’invalidité temporaire et long terme et coûts d’accidents de travail de moins de CHF1mio, pas de frais liés à des demandes d’indemnisation des travailleurs et des procédures judiciaires liées au stress. Malgré cela, nous sommes arrivés à un total de CHF3,9 mio. Ca laisse songeur vous ne trouvez pas?

En conclusion, il est vrai que la santé mentale et les risques psychosociaux sur le lieu de travail sont reconnus comme des priorités dans l’Union européenne depuis au moins deux décennies. Il n’est cependant pas certain que les ambitions affichées en la matière aient été atteintes, et ceci pour deux raisons :

  1. la relation entre la santé mentale sur le lieu de travail et l’importance de l’action préventive semblent encore faire défaut ;
  2. les méthodes et outils utilisés et recommandés n’encouragent pas les organisations à agir en amont.

Vous l’aurez compris, la gestion et surtout la réduction des risques psychosociaux sont un enjeu majeur des entreprises. Elles témoignent de leur aptitude à être performantes et pérennes.  Cet enjeu est bien évidemment dicté par des questions de coûts, de productivité et d’obligations légales. Il s’agit également d’un enjeu de santé publique, puisque, de par sa capacité à atteindre tous les membres actifs du marché du travail, le lieu de travail est et doit rester un acteur fondamental dans la promotion de la santé psychique de la population.

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Delphine Caprez